Sortie de la crise Covid-19 à l’Hôpital : vers un effet boomerang ?

Le monde hospitalier public a dû brutalement s’adapter, courant février 2020, à l’irruption brutale de l’épidémie de COVID-19. Cette crise est survenue alors que le système hospitalier public était déjà brutalisé, malmené par la gestion managériale et budgétaire imposée par les choix politiques et économiques constants depuis trois décennies. Les personnels hospitaliers, y compris de plus en plus de médecins, manifestaient massivement depuis plus d’un an pour certains contre ces choix. Les circonstances ont validé, malheureusement par le pire, la pertinence de ces revendications.
Sans qu’aucune directive ne l’impose, toutes les équipes se sont spontanément imposées de nouvelles règles de fonctionnement afin d’aider à mieux faire face à l’afflux de patients COVID, se sont auto-formées par compagnonnage et échanges d’expérience, avec ou sans l’appui des directions.

Dans de nombreux hôpitaux, les activités non-COVID;se sont trouvées à l’arrêt ou en fort ralentissement par la conjonction de trois phénomènes :

  •  déprogrammation d’un certain nombre d’activités dites « non-urgentes », notamment en chirurgie, mais aussi de la quasi-totalité des consultations de spécialités médicales dans tous les domaines ;
  • moindre recours aux services d’urgence ou au SAMU, sans que l’on comprenne réellement si cela tient à une diminution spontanée de certaines situations médicales aiguës (ainsi a-t-on vu la réduction importante du nombre d’infarctus ou d’AVC) ou à une forme d’autocensure des demandes sanitaires de la population. Des analyses ultérieures permettront probablement d’interpréter correctement ces phénomènes ;
  •  moindre incidence de la traumatologie d’extérieur du fait du confinement.

Il importe de souligner l’extraordinaire altruisme et sens des responsabilités de tous les personnels de toutes les catégories professionnelles, soignants, médecins, techniciens, administratifs, provisoirement sous-occupés qui se sont spontanément mis au service des unités COVID, sans compter les heures, les week-ends, les fériés.

L’auteur de ces lignes anime l’unité COVID en compagnie d’un chirurgien orthopédiste, d’un stomatologue, d’une pneumologue, d’une interne d’anesthésie et d’un interne d’hôpital de jour (structure actuellement fermée).

Globalement, n’ont poursuivi leur activité que certaines unités spécifiques : obstétrique, cancérologie, hémodialyse et bien entendu tout le secteur gériatrique, lourdement plombé par l’irruption du COVID.

Il plane de lourdes interrogations sur la sortie du confinement et, plus généralement, sur la sortie de l’épidémie.

Dans certaines spécialités, les collègues nous alertent sur les dangers intrinsèques de la déprogrammation et du confinement. Il en est ainsi des IVG et de la psychiatrie.

Toutes les interventions déprogrammées devront être réinvesties et, dans certains cas, sur des situations médicales ou chirurgicales, auront évolué du fait du retard de prise en charge. On pense à la diabétologie, à la chirurgie orthopédique, urologique ou digestive. Un certain nombre de patients auront été touchés par le coronavirus et l’on ignore encore tout d’une possible fragilité supplémentaire induite par l’infection récente.

Il faut donc s’attendre à ce qu’à la surcharge professionnelle et émotionnelle de tout le personnel hospitalier liée au coronavirus, succède une surcharge liée à la reprise et au rattrapage de l’activité déprogrammée.

Soutenir l’hôpital public par un appui budgétaire massif, une revue à la hausse de l’ONDAM, un plan d’embauche et de formation d’ampleur inégalée, comme le demande la CGT depuis des années, ne suffira plus aujourd’hui. C’est une remise en cause des fondements mêmes de notre société qui est nécessaire. Il faut cesser de tout soumettre aux intérêts des plus riches. Cette logique d’économie à outrance dans les services publics nous a conduits à la catastrophe. Par leurs luttes, les travailleurs peuvent, seuls, mettre fin à cette situation. Les salariés de la santé doivent prendre toute leur place dans ce mouvement collectif.

Docteur Jean-Jacques PIK

PH honoraire Médecine Interne

 

09/04/2020

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Publié le :
9 avril 2020

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